Et si ce que tu as vécu dans ton enfance avait un impact considérable sur ta santé physique et mentale ? Et si l’adversité que tu as vécu plus jeune déterminait ton futur et ce que tu allais vivre si tu ne prenais pas en compte ton vécu, ton trauma et les conséquences que cela a pu avoir sur toi ?
L'ACE Study (Adverse Childhood Experiences Study, ou Étude sur les Expériences Adverses durant l’Enfance) est une recherche lancée dans les années 1990 par le Dr Vincent Felitti de Kaiser Permanente et le Dr Robert Anda des Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Cette étude a démontré comment les expériences négatives vécues pendant l'enfance affectent la santé et le bien-être tout au long de la vie même si les événements se sont passés des années auparavant.
Cette étude Réalisée avec la participation de 17 421 membres est née d'une observation faite dans une clinique de perte de poids : plusieurs patients qui abandonnaient leurs programmes rapportaient des traumatismes infantiles non résolus. Cela a incité les chercheurs à explorer comment ces expériences pouvaient affecter la santé à long terme.
1) L’origine de l’ACE study
L’origine de l’étude ACE remonte au milieu des années 1980, dans le cadre d’un programme de lutte contre l’obésité mené par le Département de médecine préventive de Kaiser Permanente à San Diego. Ce programme avait alors un taux élevé d’abandons, bien que, paradoxalement, la majorité des participants ayant abandonné perdaient effectivement du poids.
Des entretiens approfondis avec près de 200 de ces personnes ont révélé une vérité à laquelle ils ne s’attendaient pas: les abus subis durant l’enfance étaient extrêmement fréquents et précédaient souvent l’apparition de l’obésité. De nombreux patients établissaient un lien direct entre ces traumatismes et leur poids d’ailleurs.
Une révélation marquante fut le témoignage d’une femme, violée à l’âge de 23 ans, qui avait pris 47 kg l’année suivante : « Être en surpoids signifie être invisible, et c’est ce dont j’ai besoin. » Cette déclaration illustrait le contraste entre son désir de perdre du poids et son besoin de se protéger. (et cela arrive bien plus fréquemment que ce que l’on pense). Le poids n’étant jamais anodin. De manière similaire, deux gardiens de prison, après avoir perdu chacun plus de 45 kg, avaient développé une grande anxiété. Ils expliquaient se sentir plus en sécurité au travail lorsqu’ils avaient une apparence imposante*;
Beaucoup de participants voulaient perdre du poids tout en redoutant le changement que cela aurait dans leur vie. Ils avançaient un peu en crabe, leur tête voulait mais surement pas leur corps qui avait trouvé dans les kgs en trop une forme de sécurité probablement. Ce paradoxe reflète la complexité des liens entre les expériences traumatiques, les comportements adaptatifs et la santé mentale et physique des individus.
Suite à ces prises de conscience, En 1990 le dr felliti a présenté des informations sur la relation fréquente entre l’obésité et les expériences abusives vécues durant l’enfance à un public majoritairement sceptique lors de la conférence de la North American Association for the Study of Obesity. Mais son discours n’avait pas eu le succès escompté puisque certains étaient sceptiques: Il n y ‘avait pas un échantillon assez grand. Le hasard pouvait être considéré. Mais personne ne parlerait de hasard, si une étude est faite sur des milliers de personne.
C’est alors que le dr felliti a été mis en contact avec des chercheurs du CDC (Centers for Disease Control and Prevention), qui ont immédiatement reconnu l’importance de ces observations et qui ont proposé de lancer une vaste étude épidémiologique pour fournir des preuves définitives des constats cliniques qu’il avait évoqué auparavant. C’est ainsi qu’est née l’étude ACE (Adverse Childhood Experiences) à Kaiser Permanente (KP) San Diego.
Ils ont eu la possibilité d’interroger plus de 26 000 adultes consécutifs pour leur demander s’ils souhaitaient contribuer à une meilleure compréhension de l’impact des événements de l’enfance sur la santé à l’âge adulte. Parmi eux, 68 % ont accepté de participer, ce qui était un beau panel !
2) Qu'est-ce que l'ACE Study ?
L’étude ACE a comparé l’état de santé actuel des adultes participants avec 10 expériences adverses vécues durant l’enfance. On pouvait distinguer 3 catégories
Abus
1. Abus physique récurrent
2. Abus émotionnel récurrent
3. Abus sexuel
Négligence
4. Négligence physique
5. Négligence émotionnelle
Dysfonctionnement familial
6. Violence domestique
7. Présence d’une personne alcoolique ou consommatrice de drogues
8. Présence d’une personne dépressive, souffrant de troubles mentaux graves ou suicidaire (qui ne se traite pas)
9. Séparation, divorce ou perte d’un des parents pendant l’enfance
10. Présence d’un membre de la famille emprisonné
L’étude n’a pas pris en compte les autres types de trauma : trauma d’exil par exemple, les réfugiés politiques, violence environnementale, la guerre/les gangs , la pauvreté, le racisme etc… Mais malgré cela , les résultats de l’étude étaient incroyables.
Un suivi d’au moins cinq ans a été prévu afin de comparer les expériences de l’enfance aux coûts en pharmacie à l’âge adulte, aux consultations médicales, aux visites aux urgences, aux hospitalisations et aux taux de mortalité. Un score ACE a été élaboré pour analyser l’ensemble des données recueillies : une personne non exposée à ces catégories avait un score de 0, tandis qu’une personne exposée à 3 catégories avait un score de 3, et ainsi de suite.
3) Résultats clés de l’étude
1. Prévalence élevée des ACEs
1er constat : les expériences adverses durant l'enfance sont beaucoup plus courantes qu'on ne le reconnaît ou qu'on ne l'admet ou qu’on accepte de l’admettre. Ces expériences ont une corrélation puissante avec la santé des enfants devenus adultes, même des décennies plus tard. Près des deux tiers des participants à l'étude ont déclaré avoir vécu au moins une expérience adverse durant l'enfance (ACE), et plus d'une personne sur cinq a rapporté en avoir subi trois ou davantage.
De plus, lorsqu'une personne est exposée à une catégorie, il y a 80 % de chances qu'elle soit également exposée à une autre.
Certaines populations sont plus vulnérables aux ACE en raison des conditions sociales et économiques dans lesquelles elles vivent, apprennent, travaillent et se divertissent. Ces inégalités structurelles augmentent le risque d’exposition aux traumatismes et amplifient leurs répercussions à long terme.
Ces expériences, bien sûr, sont largement occultées par des tabous sociaux qui découragent leur reconnaissance. On ferme souvent les yeux et on ne veut pas accepter l’inacceptable, parce que le nombre d’enfants subissant des adversités est inacceptable.
Et puis autre sujet :ces expériences n'existent pas en vase clos : un enfant ne grandit pas dans une maison avec une personne alcoolique ou dans un contexte de violence domestique sans que d'autres dysfonctionnements soient également présents. La question essentielle à poser est : comment ces expériences de l'enfance se manifestent-elles des décennies plus tard dans la vie de l’adulte ? Comment passe-t-on d’un nouveau-né en bonne santé, doté d’un potentiel quasi illimité, à un adulte malade, déprimé, traumatisé ? C’est un vrai sujet de société tu ne trouves pas ?
Il ne faut pas oublier la Transmission intergénérationnelle : les parents ayant vécu des ACEs sont plus susceptibles de transmettre un environnement instable ou dysfonctionnel à leurs propres enfants, créant un cycle de trauma sur trauma (transgénérationnel ou ancestral).
2. Lien entre ACEs et santé à long terme
Un score ACE élevé est fortement associé à :
o Maladies chroniques : Diabète, maladies cardiaques, hypertension, obésité.
Par exemple, l’étude a constaté que la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) est fortement liée au score ACE. Une personne avec un score ACE intermédiaire supérieur ou égal à 4 a 460 % de risques supplémentaires de développer une MPOC par rapport à une personne avec un score ACE de 0
o Problèmes de santé mentale : Dépression, anxiété, troubles du comportement. Les individus avec un score ACE de 4 ou plus sont 12 fois plus susceptibles d’avoir des pensées suicidaires par exemple.
o Comportements à risque : Abus de substances, tabagisme, comportements sexuels à risque.
Un enfant ayant un score ACE de 6 a une probabilité accrue de 4600 % de consommer des drogues intraveineuses à l’âge adulte.
Pourrait-on comprendre que cette consommation de substances est en réalité une tentative de soulagement face à une souffrance profonde remontant à l’enfance ? Ces comportements sont-ils véritablement auto-destructeurs, ou sont-ils un moyen vital (même si maladroit) de survivre face à l’adversité et de s’anesthésier face à la souffrance que cela engendre ?
Plus le score ACE est élevé, plus le risque de problèmes de santé augmente.
Un exemple : le tabagisme
Le tabagisme est souvent attribué à une simple « addiction ». Mais si je te disais que le tabagisme actuel est fortement lié à des événements survenus des décennies auparavant, durant l'enfance ?
Cette figure de l'étude montre clairement que le score ACE a un effet gradué et proportionnel sur la probabilité de fumer. Plus le score ACE est élevé, plus la probabilité de fumer à l'âge adulte est importante.
________(Figures from the permanente journal)________________________________
Pourquoi l'ACE Study est importante ?
Cette étude a transformé la façon dont les professionnels de santé, les éducateurs et tout professionnel étant en contact avec les enfants/adultes comprennent et traitent les traumatismes infantiles. Elle souligne l’importance de prévenir les expériences adverses et d’aider les enfants et adultes affectés à guérir, non seulement pour améliorer leur qualité de vie, mais aussi pour améliorer leur santé et disons le réduire les coûts sociaux et sanitaires à long terme ( préoccupations importantes des politiques n’est ce pas !)
Est-ce une fatalité ?
Heureusement, il est possible de réduire les impacts des ACEs grâce à de la thérapie !
1. Choisir la Thérapies adaptée : Thérapie cognitivo-comportementale, EMDR, thérapie basée sur le corps (somatique). Et au dela de la thérapie, choisir LE thérapeute qui pourra t’aider sur ce chemin.
2. Renforcement des relations saines : Le soutien familial et social joue un rôle clé.
3. Stratégies de régulation du stress : Méditation, pleine conscience, activités physiques régulières adaptés à ton SN, régulation du système nerveux, pratiques somatiques, mode de vie anti inflammatoire.
L’ACE Study démontre que les traumatismes de l’enfance ne sont pas de simples blessures du passé, mais des expériences qui façonnent la santé future et à long terme de la personne. Elle a également ouvert la voie à une meilleure compréhension de la manière dont les expériences négatives peuvent façonner une vie entière. Grâce à cette étude, les professionnels, les familles et les communautés peuvent travailler ensemble pour prévenir et guérir les traumatismes, permettant ainsi une vie plus saine et épanouie. Il est possible de bâtir une résilience et un avenir plus sain. Rappelle-toi, aller mal n’est pas une fatalité 😊
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